Perfect Vehicles (78 B), 1988 coll. particulière, dépôt Mamco |
Allan McCollum, Encore in cycle Des histoires sans fin, séquence printemps 2014 |
Anthropologue et moraliste, Allan McCollum écaille les évidences qui structurent nos comportements de spectateurs. Son travail peut être envisagé comme une critique des modes d’approche et de réception artistique. Il interroge les rituels et les habitudes de chacun vis-à-vis de l’art. D’abord engagé, à la fin des années 1970, dans une critique de la notion sacro-sainte d’originalité, le travail de cet artiste américain efface les frontières habituelles entre production industrielle, artisanale et artistique. Au singulier, il préfère le multiple ; au geste inspiré, la répétition infinie. Les premières séries de « Surrogates paintings » (1979) exposées sont fabriquées en bois ou en carton épais selon des procédés artisanaux. Il s’agit de petits tableaux monochromes noirs présentés d’abord de manière conventionnelle. L’intention d’Allan McCollum est alors de créer un substitut, un « modèle, un emblème de la peinture, un type qui ne pourrait représenter rien de plus que l’identité de la peinture dans le monde des autres objets » 1. Les premières expositions de ces tableaux suscitent des malentendus : afin d’éviter toute attitude contemplative, A. McCollum modifie le mode de présentation. Désormais, les « Surrogates paintings » seront présentés en groupe, en désordre, côte à côte ou l’un en dessous de l’autre. Dans un tel contexte, l‘attitude du visiteur de l’exposition est proche de celle du consommateur habitué aux rayons des supermarchés. Si bien que le travail d’A. McCollum, à la fin des années 1970, peut être interprété comme une parodie du mode de réception artistique, une fois l’art devenu marchandise. D’autant qu’un système de tarifs dégressifs favorisant l’achat en grand nombre des « Surrogates paintings », est proposé aux collectionneurs. Les « Surrogates on location » (1981-1983) sont des photographies d’images de feuilletons télévisés dans lesquelles on peut apercevoir, à l’arrière-plan, accrochés aux murs du décor, des tableaux semblables aux premiers « Surrogates paintings » élaborés à la fin des années 1970. Ici encore, A. McCollum approche le monde de l’art en anthropologue. Ce travail est pour lui l’occasion d’attirer l’attention de chacun sur la place traditionnellement assignée à l’art : « Voilà la place de l’art, à l’arrière-plan » 5. Initialement élaborées en 1982, exposées pour la première fois en 1984, les « Perpetual photos » poursuivent le travail engagé avec les « Surrogates on location ». A. McCollum agrandit les œuvres d’art aperçues dans les décors des séries télévisées. C’est l’occasion pour lui de donner une seconde chance, un second souffle aux œuvres décoratives, aux oubliées de l’Histoire. En 1988, A. McCollum élabore une nouvelle stratégie : un très grand nombre de petits objets, d’abord de couleur bleu turquoise puis orange, apparemment identiques, sont posés sur une table, dont les dimensions peuvent varier en fonction du lieu d’exposition. Ces objets de la vie quotidienne — capsules, couvercles, poignées — une fois modifiés, ont perdu leur fonction première. Ils sont le résultat d’une transformation aléatoire, d’une hybridation hasardeuse ; il est désormais impossible de reconnaître les objets à partir desquels ils ont été confectionnés. De la même manière, A. McCollum expose en 1991 des reproductions grandeur nature d’os de dinosaures. Le principe de ce travail n’est pas foncièrement différent de ses travaux précédents. Il met en évidence le souci archéologique de l’artiste ; qu’il s’agisse d’une archéologie de notre actualité la plus immédiate ou d’une archéologie des temps anciens. La même année, A. McCollum expose « The dog from Pompéi ». Suite à l’éruption du Vésuve en 79 ap. J.C. la ville de Pompéi disparaît sous la lave du volcan. La ville ne sera redécouverte qu’au milieu du XVIIIe siècle. Fiorelli y engage un siècle plus tard un nouveau travail archéologique et met au point une méthode capable de reconstituer avec la plus grande précision la forme des corps et des objets ensevelis sous la cendre du volcan. Le chien de Pompéi dont il est ici question (un chien qui était enchaîné à l’entrée de la maison de Primus Vesonius au moment de la catastrophe naturelle) est une reconstitution en argile selon cette méthode de moulage. Le projet des « Drawings » a également été élaboré en 1988. Cette série de dessins — forme sombre au centre d’un rectangle blanc — est exposée pour la première fois en 1990. Proches des « lndividual works » dans leur procédé de fabrication, ces dessins sont exécutés à la main, encadrés sous verre, et installés en rangs serrés sur des tables. Ce travail est à nouveau l’occasion pour A. McCollum de mettre en question le mode de réception de l’art : « Je pense qu’il doit y avoir quelque chose de faux dans le désir de regarder un tableau ; il n’est pas possible que l’on naisse avec ce désir. C’est sûrement quelque chose que l’on acquiert, de la même façon qu’un chien en arrive à désirer une activité aussi étrange et peu naturelle que la promenade au bout d’une laisse »6. 1. David A. Robbins, « An interview with Allan McCollum », Arts magazine, oct. 1985, pp. 40-44. 2. Jean Baudrillard, « La transparence du mal », Galilée, Paris 1990, p. 25. 3. David A. Robins, idem. 4. Ibid. 5. Ibid. 6. « La couleur seule. L’expérience du monochrome », cat. expo. Octobre des arts, Lyon, p. 258. 7. « Natural copies from the coalmines of eastern Utah », entretien avec Catherine Quéloz, Documents no 8, p. 55. 8. Lynne Cooke, « Retracing the original : Allan McCollum and Katharina Fritsch in the nineties », Salzburger Kunstverein, Salzbourg, 1993, p. 113. |
Allan McCollum est né en 1944 à Los Angeles ; il vit à New York. |
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