« Struktur und Sinn, Pawlow-Block », 1990-1991 (Structure et sens, bloc de Pavlov) est le titre d’une œuvre en quarante-cinq parties. Dans l’une des différentes mises en scène possibles, trois lignes sont formées chacune de quinze planches, exécutées en grisaille, qui représentent des motifs humains et animaux de manière objective, avec un réalisme presque photographique. Alors que dans la série supérieure les portraits se suivent sans rapport entre eux, différentes scènes animales sont regroupées dans les deux autres séries.
Malgré l’aspect systématique de l’agencement et l’objectivité de la représentation, cette œuvre est irritante. L’alignement impose un mode de lecture causale. Mais c’est précisément cette lecture dont l’artiste nous frustre en détachant les images individuelles de leur contexte explicatif. Ainsi, le spectateur est contraint de donner lui-même une structure au tableau, d’en fonder le sens. Dans cette appropriation par la pensée, la force de l’œuvre se dissout, la position personnelle remplace l’ordre objectif. Toutefois, Alex Hanimann suggère de possibles cohérences significatives. « Pavlow-Block » renvoie au physiologue russe Ivan Pétrovitch Pavlov (1848-1936). Grâce à ses travaux sur les animaux, ce dernier est considéré comme le père de la réfléxologie et de la recherche des causalités dans la tradition du positivisme scientifique.
Des expériences sur les animaux et des portraits de chercheurs animaliers repris dans un magazine populaire servent de modèle aux images de Hanimann. Ces représentations, qui semblent au premier abord objectives et neutres, révèlent la présence de létrange et de lirréel dans le monde quotidien : dans la transposition picturale et dans la succession non causale des images, les représentations danimaux acquièrent la densité poétique de fables muées en images, en récits de ritualisations et de conditionnements. En elles se reflètent des rapports de force, et pas uniquement entre lhomme et lanimal.
L’opposition entre nature et culture n’est qu’un aspect du système iconique complexe de Hanimann. L’artiste conditionne l’observateur lui-même, en refusant de se conformer à ce que celui-ci attend du tableau. Libéré de tout contexte explicatif, Hanimann, tel un chercheur, postule des systématisations justifiées uniquement par leur propre arbitraire. Dans la séquence casuelle des scènes séparées, la structure du tableau est rompue ; la tentative de créer un système, de proposer une vision d’ensemble encyclopédique, un ordre, de fonder un sens est poussée 'ad absurdum'. Culture et nature, système et arbitraire, ordre et chaos, fondation et évacuation du sens, tels sont les thèmes autour desquels Alex Hanimann tourne dans « Pawlow-Block », en posant des questions, et sans vouloir donner de réponses contraignantes.
Konrad Bitterli, tiré de « Alex Hanimann » in « Ohne Titel. Eine Sammlung zeitgenössicher Schweizer Kunst, Stiftung Kunst Heute », Baden, Lars Müller Verlag, 1995, p. 80-83. |