Dominique Page mène une double activité d'artiste et d'historienne de l'art dans une relation de complémentarité. D'un côté elle développe principalement un travail de peinture, de l'autre elle assume régulièrement la fonction de guide et de conférencière. Le travail sur le son auquel D. Page sintéresse depuis environ quatre ans lui permet de faire une synthèse entre son cheminement artistique et son expérience avec le public. Elle est également révélatrice de la position marginale, ou plus précisément intersticielle, que lartiste entend généralement occuper.
Au printemps 1998, le Musée Rath présentait une rétrospective du peintre Charles Rollier. Pour cette occasion, D. Page a organisé un événement intitulé : « Charles Rollier et les autres ». Cette expérience consistait à mettre en perspective le travail de Ch. Rollier avec la création contemporaine, en invitant une vingtaine d'artistes à intervenir librement dans l'exposition. Ne se contentant pas de l'organisation de l'événement, elle a réalisé une pièce sonore intitulée « Rollier, 1984-1998 ». Cette œuvre se présentait comme les « audio-guides » qui sont de plus en plus répandus dans les grands musées et qui permettent au spectateur muni d'un walkman de suivre une visite commentée. Cependant, la bande sonore n'était d'aucune aide pour la visite, elle devenait, au contraire, un élément perturbateur. La voix dispensait un commentaire sur des œuvres qui n'étaient pas présentées et la succession des remarques ne suivaient en aucun cas la chronologie de l'exposition. Sur le mode de la confidence, la voix sussurait à l’oreille des visiteurs les extraits d’un monologue enregistré quatorze ans plus tôt lors d’une rétrospective de Ch. Rollier au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne. Il s'agissait, en fait, de notes de travail que D. Page avait enregistrées à l'époque où elle étudiait l'œuvre de Ch. Rollier.
Poursuivant un peu la même logique de prolongement d'une exposition, D. Page a proposé au Mamco une installation sonore intitulée « La Forêt ». Ce titre, pour le visiteur du Mamco, évoquera tout d'abord l'installation de Xavier Veilhan visible dans l'une des salles du musée. Pourtant, il ne s'agit pas pour D. Page de sonoriser l'installation de X. Veilhan, mais bien de proposer un travail qui, à la fois, est directement lié à cette installation et qui fonctionne de manière indépendante. Placée dans l'espace commun du Mamco et du Centre d'art contemporain, l'installation de D. Page consiste en un isoloir téléphonique (une cloche récupérée des anciens téléphones publics), un casque et un tabouret. La situation, comme l'aspect formel, ne dirige pas le visiteur de manière autoritaire. Au contraire, il s'agit bien d'un dispositif discret qui suscitera la curiosité de quelques visiteurs attentifs. La bande sonore diffuse les commentaires et réflexions des visiteurs et du personnel du musée, enregistrés à l'intérieur de l'installation de X. Veilhan. Son montage rappelle la manière radiophonique d'utiliser des bruitages et des voix pour créer le flux linéaire du discours.
Avec le nouveau cycle d'expositions, D. Page propose une nouvelle bande sonore, « La Forêt, deuxième épisode », qui se détache de l'expérience de l'installation de X. Veilhan. Il sagit dune suite d'enregistrements de sources éclectiques comprenant, entre autres, des extraits de bandes sonores de films, de musiques, dinterviews, de chants d'oiseaux et de bruitages divers. Toutes ces sources sonores ont une vie autonome même si elles renvoient à une atmosphère inspirée par « La Forêt » de X. Veilhan. Toutefois, cette suite denregistrements ne sécoutera plus de manière linéaire mais selon un mode aléatoire qui multiplie les ruptures et les confrontations hasardeuses.
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