L’œuvre de Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau propose un regard décalé sur le monde réel autant que sur la pratique du dessin lui-même. Ce travail à quatre mains, qu’ils développent depuis 1998, traduit un processus intuitif qui ne semble répondre qu’à une logique de la prolifération dans un univers en expansion permanente. Ils trouvent leur inspiration dans le réel des images : icônes du cinéma et de la télévision, logos et publicité, images de science-fiction, de bande-dessinée, et même du monde de l’art. Mais bien que leurs dessins soient précis, ceux-ci n’ont aucun rapport avec un travail d’illustration. Réalisé au trait noir, le dessin se déploie de manière prolifique pour nous entraîner dans un univers exubérant et chaotique. Mrzyk et Moriceau projettent un monde étrange, proche de l’esprit surréaliste, tant en faisant subir des torsions aux personnages et aux choses figurées que par le contexte dans lequel ils les représentent.
Cette production foisonnante du dessin trouve une finalité dans plusieurs supports tels que le livre, le ‘wall-drawing’, le film d’animation et l’installation. Bien que l’on reconnaisse certains motifs ou séquences d’un support à l’autre, chaque occurrence offre l‘opportunité de proposer une vision à chaque fois renouvelée. Leurs dessins se développent comme un flux continu liant les sujets les uns aux autres dans un mouvement qui paraît inépuisable mais qui ils ne constituent jamais un récit. L’enchaînement semble s’accomplir selon le principe du rêve où cohabitent dans un même espace des représentations concrètes avec la possibilité ou le désir d’échapper aux contraintes du réel. De la même manière, les objets ou les personnages représentés par Mrzyk et Moriceau s’inscrivent dans des situations absurdes mais ils n’en entretiennent pas moins un fort rapport avec le réel. Chacune de leur présentation est aussi le lieu pour parler du monde ou du moins de sa représentation, en conservant toujours un esprit ludique, plein d’humour et de poésie. Leur esprit semble fonctionner selon la logique du jeu « maraboutboutdeficelle… ». Quant au mouvement qui semble entraîner leur œuvre, il n’est pas sans rappeler celui du boomrang, un sport fort apprécié par les artistes. Cet objet, qui trouve son origine dans le temps mythique du rêve chez les arborigènes, réalise un mouvement tout en élipse qui pourrait aussi servir de métaphore à leur travail.
Celui-cil interroge aussi les modes d’exposition du dessin. Le choix du ‘wall-drawing’ permet à Mrzyk et Moriceau d’apporter une réponse spécifique à une situation physique donnée. Il leur permet de multiplier des scènes sans raconter d’histoire et de faire défiler des visions qui se confrontent directement avec l’espace d’exposition. Récemment, ils semblent s’intéresser plus particulièrement à l’exercice de l’installation, jouant avec la présentation de dessins encadrés individuellement. Ainsi leur dernière installation « Moonraker » proposait-elle une réflexion sur le cadre. Le cadre suffit-il à faire art et quelles peuvent bien être les réflexions que se fait un cadre ? Un cadre, mi-homme mi-objet, duquel s’échappent une foule de cadres comme autant de pensées pour englober la totalité de l’espace d’exposition, impliquant physiquement le spectateur, obligeant parfois son corps à faire des contorsions. Pour « Never Say Never Again », les artistes renouent avec la pratique du ‘wall-drawing’ pour se saisir des espaces du musée.
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