Régulièrement accueilli au Mamco, le Cabinet des estampes présente une sélection des travaux imprimés de Robert Morris qui a pratiqué au fil des années les techniques les plus diverses : héliogravure, alugraphie, sérigraphie, aquatinte, eau-forte, typographie, lithographie tout en explorant des procédés originaux comme l’épuisement de l’encrage au fil du tirage ou la réalisation de dessins à l’aveugle. Sans jamais devenir une activité principale, son travail imprimé occupe une place importante dans ses recherches qui tournent autour de l’espace, de la mémoire, de la mort ou encore du langage. Les œuvres de R. Morris sont fortement liées à des réflexions théoriques ainsi qu’à des préoccupations d’ordre sociétal. Il en va ainsi de la suite « Five War Memorials » (Cinq monuments aux morts, 1970), qui témoigne d’un engagement politique axé sur la guerre du Vietnam et le souvenir.
L’ensemble de dessins et de gravures composant « In the Realm of the Carceral » (Dans le domaine du Carcéral, 1978-1979), a été réalisé à partir du texte de Michel Foucault, « Surveiller et punir ». L’auteur démontre comment les sociétés modernes et industrielles ont su, au fil de l’histoire, généraliser l’usage de la géométrie à des fins de contrôle et de productivité. En écho à cette lecture, R. Morris fait ressortir dans ces planches aux dessins linéaires et précis, le lien entre schémas géométriques emblématiques de l’art minimaliste et structures de répression en évoquant notamment l’architecture pénitentiaire.
Avec la suite de huit planches, « Tombs and Cenotaphs » (Tombes et cénotaphes, 1980), R. Morris aborde une thématique escatologique. Il propose différentes architectures de lieux de recueillement pour des victimes réelles ou potentielles, à travers de courts textes dont l’ironie traduit une critique acérée de la gestion de la mort vente de cartes postales, horaires de visite, tenue appropriée types de paramètres et de contraintes que l’on retrouve précisément dans les institutions muséales.
L’œuvre de Morris est traversée par le fantasme de la destruction ; des « Morris Prints » (1962-1963), dont le sujet et la matière disparaissent progressivement, aux planches citant le physicien Ted Taylor (1980) et nous livrent parallèlement le fonctionnement d’une bombe nucléaire et la meilleure façon de faire exploser la planète. Quelque dix ans auparavant, dans sa contribution au « Xerox Book » (1968), R. Morris avait déjà soumis l’image de la terre au procédé entropique de sa reproduction, via la photocopie, sans toutefois parvenir au terme du processus laissé comme suspendu à la vingt-cinquième page. De la déliquescence de toute chose, l’artiste déclare : « Si il y avait eu une quatrième Parque, elle aurait peut-être été Entropie celle qui emmêle le fil : une sorte de déesse de l’anti-forme. »
Le Cabinet des estampes possède aujourd’hui un ensemble quasiment complet de l’œuvre imprimé de R. Morris, suite au catalogue raisonné, établi par Christophe Cherix : « Robert Morris, estampes et multiples, 1952-1998 ».
Véronique Yersin
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