Ancien élève de la Villa Arson où Noël Dolla lui inocula sans doute « cet esprit de labstraction » qui consiste à sappliquer sérieusement aux tâches les plus ludiques, Philippe Mayaux samuse depuis maintenant quinze ans à « domestiquer » son art en le proportionnant aux dimensions dun intérieur petit bourgeois. Sil sest mis assez vite à la fabrication de pièces tridimensionnelles, son médium de prédilection nen demeure pas moins la peinture. Cette peinture quil pratique en amateur professionnel. En effet plutôt que de masquer son insuffisance technique sous une facture délibérément bâclée, ce qui constitue après tout une des options ouvertes par le modernisme aux peintres putatifs, il préfère sappliquer à confectionner ses tableautins dans une facture des plus soignées. Moins par effet de style que par volonté dancrer résolument son art dans le genre « peinture », à rebours encore de ces stratégies de limage qui ont poussé certains peintres à gommer toute trace de picturalité dans leur travail. Parmi les objets fabriqués, on ne sétonnera pas que la bûche ait valeur dicône pour cet « artiste au foyer ». Il la décline en plusieurs versions selon les valeurs dusage quil entend lui donner, mais aussi parce quil a constaté quaucun tableau, ce grain de beauté, ne saurait retenir aussi longtemps lattention contemplative quun feu de cheminée...
Pour bien faire comprendre une des clés de la philosophie de l’art de Ph. Mayaux, on se permettra ici d’attirer l’attention du visiteur sur une œuvre qui sans cela risquerait peut-être de passer inaperçue. Il s’agit d’« 1 mètre d’Anti-Zeuxis ». L’œuvre en elle-même, ou plutôt sans son titre, présente peu d’intérêt. Elle est constituée de petits rectangles monochromes mis bout à bout. L’abstraction n’y est pas vue comme la perte du référent, interprétation forte de la rupture de l’abstraction, mais comme la soustraction à l’impératif mimétique sous lequel l’art a vécu pendant des siècles. On sait en effet que Zeuxis, ce champion de la mimésis, peignait des raisins si ressemblants que les oiseaux, mystifiés, tentaient de les picorer… Il s’agit bien là d’une affirmation philosophique. Peignant un Anti-Zeuxis, Ph. Mayaux revendique ici son droit à peindre ce qui lui passe par la tête en même temp que sa volonté de ne pas leurrer le regardeur par un illusionnisme spécieux. On pourrait trouver la référence inutilement pédante. Mais il faut savoir que s’agissant de références l’artiste n’est pas en reste. Et qui plus est sans pudeur, ne craignant pas sur ce plan de faire voisiner Léonard de Vinci avec Marcel Duchamp. Mais un peu comme au jeu du Trivial Pursuit, dont Ph. Mayaux fut paraît-il très friand, il s’agit moins d’érudition pure qu’une de ses formes dégradées où l’on joue librement avec les connaissances sans se soucier de les organiser en savoir. Il est ainsi arrivé à Ph. Mayaux de caractériser, en souriant, son travail comme une opération rigoureusement inverse au 'Pop art'. Alors que le 'Pop art' élève au niveau d’œuvres d’art des images de biens de consommation, il ravalerait quant à lui ses œuvres d’art au rang de biens de consommation banale. Mais bien souvent ces objets de consommation paraissent incomplets, insuffisants, déficitaires. Ph. Mayaux se charge alors lui- même de les compléter de ce qu’il nomme la « part du marchand ». Ses tableaux sont donc livrés avec ce qui se donne moins comme un discours d’accompagnement ou de légitimation que comme un mode d’emploi.
Quinze années de labeur rigoureux et patient. Il était temps que Ph. Mayaux rangeât ses affaires dans des boîtes...
Repliant la sexualité sur la génitalité, Ph. Mayaux se plaît à mimer l’univers du névrosé qui ne peut s’empêcher de voir dans un cornet de glace l’image inversée d’un phallus. Mais il serait faux de réduire son esthétique à cette sommaire caractérisation analytique. Si du point de vue des sujets, Ph. Mayaux fait en effet s’accoupler un playmobil avec une fourmi, c’est que son esthétique générale est une esthétique de l’hybridation. Ph. Mayaux a inventé l’art transgénique. Ce faisant, il nous invite à accueillir la bizarrerie. Revendiquant son étrangeté, sa dégénérescence par rapport à une lignée pure de l’art contemporain, en pratiquant un art résolument mineur, férocement anti-héroïque, ce peintre pinacoclaste œuvre en philosophe.
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