François Martin
exposition temporaire |
Vues partielles de l'exposition |
François Martin, L'Amitié (avec Jean-Luc Nancy) in cycle cycle Des histoires sans fin, séquence automne-hiver 2014-2015 |
Deux cent cinquante-neuf dessins issus de la collaboration entre l’artiste François Martin et le philosophe Jean-Luc Nancy sont montrés au premier étage du musée. Depuis plus de quarante ans ces deux amis élaborent une œuvre à quatre mains : F. Martin fait des dessins qu’il confie à J.-L. Nancy, celui-ci ayant toute liberté de réagir par rapport à ces envois, c’est-à-dire d’écrire sur eux ce qu’ils lui suggèrent ou bien de les laisser intacts. Le résultat compose un vaste ensemble qui est aussi une correspondance — au sens épistolaire et relationnel du terme — entre l’univers du visible et celui du lisible. L’ensemble de dessins qui compose l’exposition L’Amitié (avec Jean-LucNancy) se répartit entre plusieurs séries, vingt et une réalisées en 2005 et deux en 2011. Il faut le placer sous le signe du jeu entre les deux auteurs : jeu entre la forme tracée et le signe inscrit, jeu au long cours entre deux amis puisqu’il s’étend sur une grande partie de leur vie. Une des séries a été montrée à l’Université de Montréal dans le cadre d’une exposition consacrée à l’œuvre de J.-L. Nancy. Intitulée Trop, titre de la manifestation canadienne, elle se compose de photocopies sur lesquelles, à l’encre, au crayon noir, au crayon de couleur et à l’aquarelle, sont visibles et lisibles un texte au bas de la page et des dessins en haut de celle-ci. À gauche de l’œuvre et à la verticale, on retrouve le sigle « trop » écrit par J.-L. Nancy et reproduit en photocopie, comme s’il s’agissait de l’en-tête d’un papier à lettre. Cette série montre combien le protocole entre les deux auteurs est ouvert : les dessins peuvent être figuratifs ou abstraits et le « trop » s’est imposé à F. Martin après que J.-L. Nancy l’a écrit, sans qu’il fût à l’origine forcément prévu d’en faire un terme récurrent dans un travail en commun. Une autre série, datée de 2005, est consacrée à la figure de Mozar t dont il n’existe pratiquement pas de portrait fiable. F. Martin, grand amateur de sa musique, l’a dessiné à l’aide d’un stylo à plusieurs plumes qui sert à tracer les portées musicales, autrement dit qui permet de faire plusieurs lignes simultanément à l’aide d’un seul instrument, comme s’il s’agissait d’explorer l’univers graphique avec des outils musicaux. Au bas de chaque dessin est collée une feuille de papier blanc sur laquelle J.-L. Nancy a inscrit, ou pas, un certain nombre d’annotations. La figure de Mozart n’est pas toujours identifiable et l’utilisation de plusieurs lignes pour le contour de la tête et des traits du visage crée une vibration déstabilisante pour le regard. Ce qui prime n’est pas un souci de réalisme mais une liberté d’expérimentation c’est-à-dire, toujours et encore, l’exploration des écarts et des inventions que rend possible l’espace du jeu. Le corps est présent dans nombre de séries, soit dans sa globalité, soit d’une manière fragmentaire : pied ailé d’Hermès, le seul dieu qui ait réussi à faire rire Zeus, Dame de l’El’ex, une tête sculptée très ancienne dont des photographies sont utilisées ici à plusieurs reprises, corps sans bras, oreille, cheville, oreille à la place de la cheville, autant d’organes que l’on retrouve d’une manière récurrente dans ces œuvres à côté de nus et autres sirènes à double queue. Les annotations de J.-L. Nancy sont des réactions spontanées devant les traces laissées par le peintre sur la feuille. Elles tiennent à la fois du commentaire lacunaire – ainsi lorsqu’il évoque « la statue, la stature, le corps éviscéré beau debout par le seul trait » —, de la surprise manifestée devant la forme créée, ou bien d’une sorte de perplexité. Chaque dessin exprime la rapidité de son exécution, la spontanéité de sa conception et aussi le plaisir de dessiner sur des supports très divers (buvard, palet te en papier, palet te en plastique, photocopie, papier chinois). La variété des supports utilisés, parcourus, dit assez la liberté de ces exercices graphiques et le côté virevoltant de leur exécution. « Le dessin déborde son propre contenu et ne sait plus où s’arrêter » constate J.-L. Nancy sur une de ces œuvres. C’est dire combien cet ensemble est traversé par une grande vitesse et une réelle force d’expansion, comme si chaque page enregistrait, pour un moment, ce qui existe de cer taines choses dont la circulation — la prise de forme — continue avant et après le dessin. |
François Martin est né en 1945 à Paris où il vit. |