« Libertronaute », « Hypérion », « SM » sont autant didentités endossées par Stéphane Magnin, artiste protéiforme dont la pratique recoupe, peintures, installations, dessins, sculptures et décors muraux.
Si chacun de ces qualificatifs évoque un univers extra-terrestre, cest que S. Magnin est avant tout féru de science-fiction. « Hypérion » correspond notamment au titre du premier roman dun cycle écrit par Dan Simmons, « Les Cantos dHypérion », publié en 1989. Simmons propose un univers de science -fiction idéal pour le jeu de rôle, univers qui sied à merveille aux divers projets de lartiste. «Je pratique un jeu étendu, dont je perds le sens au fur et à mesure, où les règles que jutilise forment une
mosaïque ambivalente et contradictoire, où les orientations et les décisions sont tour à tour lenlisement stupéfiant et la volonté de produire des diktats inoxydables. »
À linstar des épisodes dune saga, S. Magnin décline ici son exposition en trois volets afin « de montrer aux habitants encore vivants de cette planète, un environnement du feu de dieu, thermo-nucléaire-globale, etc. » Avec « Th8nkosmos-index 1 (Gravité zéro) », ont dabord été installées une vertèbre (1,3G) au sein de laquelle le visiteur peut se lover ; puis avec « Th8nkosmosindex 2 (TC2, To Numnscribers of Radical america) », ce fut le tour dune bibliothèque dont les compartiments reprennent la forme hexagonale de cellules, le tout faisant écho aux motifs des papiers peints lentourant. Enfin, avec « Th8nkosmos-index 3 (Mimicry-masse critique) », dernier ajout à ce labyrinthe en 3D, une structure rappelant les dômes en plastique créés par Hans-Walter Müller durant les années 1970 sest adjointe aux sculptures déjà présentes. Cette proposition dexposition évolutive fonctionne ainsi comme linvasion dautant déléments organiques sur le Plateau des sculptures. S. Magnin réorganise lespace, lui redistribuant une circulation fluide au milieu dobjets et de formes rappelant à la fois la science-fiction et le design.
Au-delà de ces références « science fictionnelles », S. Magnin met constamment en jeu d’autres problématiques dont la lecture ne s’opère pas au premier degré. Selon Joseph Mouton, « L’œuvre de S. Magnin s’édifie au confluent de deux voies a priori inconciliables : ‘glitter’ ludique et activisme radical. » Les installations de S. Magnin placent effectivement le visiteur au milieu d’espaces mixant à la fois culture populaire (bande dessinée, mangas, jeux vidéo) et haute culture (le traité « De la guerre » du général prussien Von Clausewitz, Guy Debord et l’Internationale Situationniste). Il manipule, mixe et contamine ces références hétérogènes dans un esprit poétique et infiniment libre, leur attribuant par-là même un aspect critique. Cette pluralité des sources participe dès lors à une réaction spontanée au diktat du monde environnant. En rendant par exemple hommage à l’architecture utopique des années 1970, S. Magnin réactive en quelque sorte un mode de vie communautaire jugé aujourd’hui alternatif et dépassé mais dont la proposition, radicale, prend tout son sens au regard de l’individualisme forcené de la société contemporaine. Il en est de même avec les slogans et citations qui scandent l’exposition : « no war = no pop-culture », « la réalité n’aura pas lieu » officient comme autant de phrases dont la charge sémantique se retrouve décalée, ce qui leur confère cet effet de déjà lu troublant et de légèreté poétique.
Malgré les chausse-trappes, faux départs et autres porte-à-faux, chaque élément dans la pratique de S. Magnin renvoie à un autre, créant un univers dense et complet semblable à « OPIDRO » (au pays des héros).
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