Traitant le cinéma comme un phénomène global, comme un objet du champ culturel, Mark Lewis définit son travail comme « un ready-made de lexpérience moderne du cinéma, une expérience qui est déjà presque historique ». À la manière dun anatomiste, il dissèque les différents éléments constitutifs dun film pour exposer, dans une procédure analytique, les sens et les pratiques de sa production. Son attention se porte sur des inventions propres au médium cinéma, quil traite isolément comme des objets en soi.
« Two Impossible Films » (1995-97), dans sa manière daborder le générique, est à ce titre exemplaire. Avec le générique, cest tout le système de la production cinématographique qui est mis en évidence : lensemble hétérogène des composants du film comme le système hiérarchisé de la création. Partant du défilement du texte, le générique tend, particulièrement dans le cinéma à gros budget, à être traité comme un signe du film dans le film. Mais indépendamment de son esthétique, le générique est une forme véritablement cinématographique qui est reconnue comme telle par le spectateur. Avec « Two Impossible Films », M. Lewis ne traite pas le générique comme une introduction au film, mais bien comme un objet en soi avec des codes qui lui sont propres. Cette manière de procéder et de traiter le fragment comme un tout découle de son intérêt pour les moments purement cinématographiques et illustre la façon dont, la plupart du temps, on se souvient dun film.
« After (Made for TV) » (1999) ou « The Sense of the End » (1997) mettent particulièrement en évidence l’usage qu’il fait du fragment. Chacune de ces œuvres est conçue comme une succession de plusieurs séquences regroupées selon une thématique définie. Avec « After (Made for TV) », M. Lewis réalise un film en effaçant toute narration, en ne conservant que des scènes qui se déroulent après « l’action ». Dans « The Sense of the End », il effectue un montage de séquences qui se situent à la fin d’un film. Le spectateur reconnaît les scènes dans la syntaxe du film et cette reconnaissance provoque un sentiment de « déjà vu ». Pourtant, M. Lewis ne s’approprie pas des films existants, il réalise ses propres tournages. Le sentiment de « déjà vu » avec lequel il joue suggère que certaines expressions cinématographiques sont aujourd’hui devenues des clichés.
Des œuvres telles que « Centrale » (1999) ou « Upside Down Touch of Evil » (1997) traitent plus précisément des inventions optiques du cinéma, ce qu’on appelle communément la magie du cinéma, et mettent en évidence des pratiques de tournage. M. Lewis se concentre sur la temporalité dans l’œuvre et, par extension, il porte son attention sur la durée nécessaire à l’enregistrement mental d’une image.
Lensemble de son travail nous conduit à adopter une attitude différente face au cinéma. Ceci est particulièrement explicite dans son dispositif de présentation puisquil rompt délibérément avec toute référence à la salle de cinéma. Les constituants matériels et symboliques du spectacle sont ainsi transformés. En présentant ses films dans le contexte du musée, M. Lewis peut ainsi tirer parti des propositions historiques de la vision et tester une expérience de confrontation entre limage et le spectateur. Cest ce que propose « Cinéma permanent » avec la présentation de trois films, dont un inédit.
|