Daniel Baumann : Vous êtes actif dans différents champs. Vous exposez régulièrement votre travail d’artiste, vous êtes commissaire d’expositions, responsable de projets au Centre pour l’image contemporaine, Saint-Gervais, Genève, et vous réalisez des projets comme le site Internet de la Documenta X de Kassel (1997). Et quelque chose de moins connu, vous êtes également collectionneur, entre autres, de gadgets de Kinder-surprise. Ces activités sont-elles indépendantes les unes des autres ?
Simon Lamunière : Je crois que beaucoup de gens ont des intérêts divers et conduisent des activités variées. Ce qui m’intéresse, c’est de trouver des connexions entre ces différents domaines… et peut-être la recherche d’un Moi complet et approfondi. J’ai par exemple des difficultés à séparer mes différents centres d’intérêts et à dire « maintenant je suis en vacances », « maintenant je travaille », « maintenant je collectionne », « maintenant je prends des photos ». Mon parcours est jalonné d’éléments disparates qui me rappellent ce dicton qui dit qu’on ne doit pas courir plusieurs lièvres à la fois. J’ai l’impression que je cours toujours plusieurs lièvres en même temps. J’ai aussi des obsessions qui surgissent ponctuellement comme mon intérêt subit pour les pingouins. Mais quand j’ai trouvé un lien entre mon intérêt pour le pingouin qui est un animal très social qui vit en groupe et est très différent de toutes les autres espèces, quand j’ai établi un parallèle avec mon actuel désir naïf d’un monde parfait sans conflit, j’ai remarqué que le même questionnement apparaissait dans d’autres aspects de mon travail, comme l’organisation d’expositions de groupe par exemple. Ça c’est révélé également à un autre niveau au cours de mon travail pour le site de la documenta X où texte, image, graphisme et art apparaissaient sans hiérarchie.
D. B. : Vous nêtes pas le seul à travailler de manière polyvalente comme curateur, artiste, critique et collectionneur. Dautres comme Peter Weibel, Chris Dercon ou le galeriste et artiste Rüdiger Schöttle travaillent de la même manière. Vous sentez-vous proche deux ?
S. L. : En fait, ce qui mintéresse cest la collaboration : créer quelque chose avec dautres artistes. Au Centre pour limage contemporaine, je suis commissaire et pas artiste, et jorganise les expositions. Mais ça ne doit pas mempêcher de développer un projet avec Kogler, Mullican et Bayrle parce que je suis en train de traiter une question spécifique et que je suis intéressé par les opinions de ces artistes. Beaucoup de commissaires dexpositions débutent comme artistes. Je pense que lauteur dune exposition est une personne importante, même si certains comme Jean-Christophe Ammann disent quil doit rester à larrière-plan.
D. B. : Quelle valeur attribuez-vous à vos différentes activités ? Lune prime-t-elle sur les autres ?
S. L. : Bien sûr, jen mets toujours une en avant, mais ça change régulièrement ; tout dépend du moment, des occasions, des projets.
D. B. : Donc, votre travail dartiste nest pas plus important que celui de commissaire ou de collectionneur ?
S. L. : La question ne se pose pas en ces termes. Ma préférence dépend du contexte, du lieu de lexposition, du sujet, des gens. Évidemment, je recherche la perfection et essaie de tout rassembler, bien que cela ne marche jamais. Je joue sur cet aller-retour, avec cet idéal de perfection et cette volonté de disséminer.
Daniel Baumann, extrait du texte paru sous le titre « Ein Gesprächt mit Simon Lamunière », in « Kunstbulletin » n° 11, novembre 1999 (traduction Alicia Treppoz-Vielle)
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