Dans un texte publié en 1992, Stéphane Lallemand se présente comme une sorte de « manifeste du dilettantisme absolu » qui aurait refusé « la spécialisation exigée pour un professionnel ».
Après des études d'ébénisterie et de sculpture à l'École des arts décoratifs de Strasbourg, il réalise des sculptures qui reposent sur l'interaction de matériaux bruts doués d'une forte présence physique et de règles constructives simples (déplacement, inversion, rotation). Les accessoires (roues, source lumineuse) qui s'ajoutent parfois à ces dispositifs, ainsi que leur tendance à se confronter à l'architecture, permettent de rapprocher son travail de certaines formes de l'art post-minimaliste ('Arte povera', Beuys et Sarkis dont il fut l'élève).
Les « Télécrans » (1989-1993) sont un jouet qui permet à son utilisateur de créer une image à laide de deux boutons, une variante de lardoise magique, dont St. Lallemand dit qu'il lui a donné l'occasion de retrouver la « fascination » ressentie « face aux applications multiples de la géométrie élémentaire qu'[il] avait développées dans ses sculptures » le simple déplacement du curseur lui permettant d'« obtenir l'image d'un tableau de Titien ».
S'ils témoignent d'une virtuosité qui ne peut étonner de la part d'un artiste « soucieux de la perfection du résultat », les « Télécrans » font aussi preuve d'un sens de l'humour et du dérisoire qui conditionne leurs enjeux. Ainsi le rapport à l'histoire de l'art énoncé par les chef-d'œuvres méticuleusement copiés (Titien, Rubens, Boucher, Courbet, Hokusaï, Van Gogh, Schiele, Picasso, Wesselmann) acquiert-il un sens pour le moins particulier lorsque le spectateur s'aperçoit qu'il a affaire à une collection d''erotica'. St. Lallemand a d'ailleurs développé ce côté érotomane dans une série d'images à caractère explicitement pornographique. Mais les idées de virtuosité et de pérennité attachées au chef-d'œuvre sont aussi contredites par la nature foncièrement éphémère du médium utilisé (l'image peut toujours être effacée). Le rôle que l’ancêtre de l'ardoise magique (le 'Wunderblock') a joué dans la définition de l'inconscient freudien ne contribue d'ailleurs pas à affaiblir l'ironie des « Télécrans ».
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