« La Nuit seule » est le titre de cette exposition de photographies inédites dAxel Huber.
Comme si la nuit était le vrai monde de la photographie : elle en émane au lieu aveugle de la chambre obscure, elle en surgit au moment de vérité du développement.
Longtemps la nuit a aussi marqué sa limite : qu’enregistrer du défaut de lumière quand la photographie ne se fonde que sur la saisie des photons, que de ce toucher chimique de la lumière sur la surface sensible ? C’est, on le sait bien, un éclair, un éclairement soudain et plus ou moins allongé, un procès d’éclairage par captation et affectation sélectives.
Le jour et la nuit sont également sa menace ultime et sa condition nécessaire.
Mais ce nest pas à cette petite ontologie de la photographie que font dabord songer ces images naturellement tirées en noir et blanc (à partir dinternégatifs issus de diapositives en couleurs).
Lart a souvent trouvé, sinon son lieu, du moins sa source dans la nuit urbaine, dans la dérive nocturne où se défont vite les conventions qui corsètent lexistence diurne. La nuit où tous les chats sont noirs, où les marques du passage du temps se font plus discrètes que le jour, où les rencontres ne sagendent pas, où la durée déroule son 'rubato' dans une bulle labyrinthique. A. Huber est un passager de la nuit, lhôte furtif de toutes les escales imprévisibles.
Et la nuit des villes est un tissu dimages déjà vues, traversées, déplacées, égarées, retournées sur elles-mêmes, un train fantôme où la vie change de film comme de chemise, où la proie est lombre même, où les corps projettent sur des toiles filantes les silhouettes des désirs dont ils ne sont que les échangeurs momentanés.
La nuit bien comprise na pas de bout, juste des boucles qui nous remettent dans les pas de ceux qui nous suivront.
Les images d’A. Huber ont cette vertu de contagion de la nuit. Leur espace est celui de la réminiscence au cœur de l’instant, leur méthode est souvent celle de la mise en scène, donc du léger différé, de la répétition subtile. Il n’y a pas d’instantanés : « le hasard est toujours à répéter », dit-il.
Cest donc aussi au déroulé dune certaine histoire de la photographie quelles procèdent, levant une à une dautres images toujours déjà fixées.
Comme si la ville nocturne nétait plus quun défilé de clichés catalogués, scènes de genre, détails vertigineux, portraits substitués, souvenirs affleurant à la surface des choses, angles de vision retords et autres éclats de miroirs blêmes.
Ce théâtre du lendemain soir, en voici le souffleur étourdi, cest-à-dire aussi bien distrait quivre de ses affûts, au gré des bars, au fil (aux filles) des rues.
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