MAMCO CURRENT WEBSITE
2_1 MAMCO 2_1 AGENDA PRESSE CHRONIQUES MISCELLANEES RADIO FILMS
4_1 EXPOSITIONS COLLECTIONS ARTISTES PUBLIC EDITIONS MUSEE INFORMATIONS

 

COLLECTIONS_PRESENTATION COLLECTIONS_ARCHIVES
A B C D E F G H i J K L M N O P q R S T u V W x y Z
    
  Carroll Dunham

exposition temporaire
Dessins  

Caroll Dunham 1
Caroll Dunham 2
Caroll Dunham 3

Vue partielle de l'exposition
Court. Galerie Eva Presenhuber, Zürich

Étude pour « In the Flowers » (10/28/13), 2013
© Caroll Dunham
Court. Galerie Eva Presenhuber, Zurich ;
Barbara Gladstone, New York
Photo : David Regen

Sans titre, 2010
Collection particulière, Genève
Carroll Dunham, Dessins

in cycle Des histoires sans fin, séquence été 2015
du 10 juin 2015 au 13 septembre 2015


Lorsqu’elle apparaît sur le devant de la scène newyorkaise dans les années 1980, la peinture abstraite de Carroll Dunham déploie principalement des motifs viscéraux et turgescents. Au fil des années, une étrange figure masculine au nez en forme de pénis va finir par émerger, finalement rejointe par une femme nue aux poses suggestives, à partir de 2009. Au Mamco sont présentés  les dessins préparatoires de ses dernières séries In the Flowers et The Beach.


L’ADN des peintures de C. Dunham, son impérieuse force répétitive, ce sont ses dessins. Dans ces derniers, on distingue un torrent d’échos et de réitérations qui créent la matrice des peintures à venir. Mais même la plus précise des machines ne saurait forger des reproductions parfaites pour toujours. Les erreurs s’infiltrent. Elles mutent. Une différence d’abord imperceptible devient de plus en plus prononcée.

« Je dessine la même chose mille fois et je fais une erreur. Ou quelque chose d’étrange arrive et cela représente la possibilité d’un changement ». L’accident est une part essentielle du processus de C. Dunham. Et même s’il n’est évidemment pas question de provoquer volontairement un accident, on sent toujours lorsque celui-ci est sur le point d’advenir.

« C’était presque comme si j’essayais de dessiner le truc le plus bête et le plus ennuyeux possible. J’ai dessiné le cul d’une femme, vu de derrière  dans un jardin, et j’ai adoré ce dessin ». Voilà l’accident,  la mutation dont la série actuelle est le résultat. « Évidemment je ne pense plus que ce soit stupide », ajoute rapidement C. Dunham. « Lorsque je parle ainsi, j’essaie de décrire le point de départ de quelque chose. Ce n’est pas comme si je me disais : “Ah ah ! J’ai une idée ! Je suis peut-être un génie !” C’est plutôt l’opposé : “Ça ne peut pas être une bonne idée”. Et puis je me laisse entraîner en dessinant des choses, et en les regardant, et en les sortant de mon esprit pour leur donner une sorte de forme physique — je me laisse vraiment gagner par elles ».

[…]

Pourquoi le fait de regarder un torse seul nous affecte-t-il tant ? À l’opposé d’un visage, dont le sujet est la personnalité de celui qui pose, ou d’un portrait en pied, dans lequel les membres induisent une certaine forme d’agencement, le torse est inerte et dénué de caractère. Il propose pourtant une description plus fondamentale de l’humanité, définie par le ventre et les parties génitales — sexe et nourriture, l’essence même de la vie.

Mais les omissions de la vie induisent aussi son illisibilité. La femme de In the Flowers est tout aussi puissante  qu’impossible à comprendre, presqu’autant que la souche d’arbre tronquée qu’on trouve dans The Beach. De fait, nous nous voyons forcés de la voir non pas tant comme une femme que comme la chose elle-même — comme l’archétype d’une femme. L’œuvre qui symbolise le mieux la nature énigmatique du torse, c’est peut-être Étantdonnés(1946-1966), l’installation indiciblement bizarre de Marcel Duchamp. Dans cette scène, le tronc nu d’une femme est jeté en travers d’un paysage bucolique. Cette vision d’étrangeté indéfinissable ajoute un caractère illicite au frisson qu’elle provoque en forçant le spectateur à épier l’œuvre à travers le judas d’une porte en bois.

« Cette œuvre m’affecte profondément », dit C. Dunham. « Je suis allé la voir de nombreuses fois. J’ai beaucoup lu à son sujet. J’ai passé beaucoup de temps à y réfléchir. Elle a donc une énorme influence sur mes peintures ». Les similarités sont frappantes, aussi bien dans la manière dont le corps est recadré que dans son cadre bucolique, mais aussi dans le sentiment d’insuffisance, dans le troublant mystère pastoral qu’elle provoque.

George Pendle, extraits de « The Natural History of Carroll Dunham »
(trad. de l’anglais par Nicolas Garait-Leavenworth)


Carroll Dunham est né en 1949 à New Haven, Connecticut ; il vit à New York.