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Le Banquet 1
Le Banquet 2
Le Banquet 3
Vues partelles de l'exposition
Coll. Widgren

Le Banquet
Une collection d’amateurs à Genève

in cycle L’Éternel Détour, séquence printemps 2013
du 20 février 2013 au 5 mai 2013


Au moment de disperser la singulière collection qui emplissait la « maison d’un artiste », Edmond de Goncourt expliquait qu’il souhaitait épargner aux objets que son frère et lui avaient patiemment élus « le regard bête du passant indifférent  […] dans la froide tombe d’un musée ». Au-delà du mépris de la posture aristocratique et des clichés déjà rances sur les musées et leurs visiteurs, l’écrivain pointait pourtant deux limites paradoxales de l’œuvred’art : l’institution muséale et son public.


Où l’œuvre d’art a-t-elle lieu ? Sans doute en tout espace où elle se présente ou s’applique et où se trouvent réunies les conditions de possibilité de sa réception (perception et compréhension). L’œuvre est toujours une rencontre entre un lieu, un moment, ce qu’elle propose et celui/celle qui y porte attention. En ce sens, le musée est bien une maison de rendez-vous où les œuvres attendent les rencontres qui les font exister. Mais rien ne les garantit, ni la médiation muséographique ni les connaissances préacquises.

Un fort coefficient d’approximations, de malentendus, de faux-semblants et autres fantasmes caractérise  notre représentation des œuvres d’art. Et les regards indifférents ne sont pas les plus rares parmi ceux que l’on croise dans les musées. C’est pourtant l’étincelle improgrammable de la rencontre, ce sentiment d’intimité soudaine et d’intelligence partagée, que l’on rêve encore d’y connaître.

Il est encore des collectionneurs  qui ne songent pas à rivaliser avec les musées, qui ne voient pas dans les œuvres les indicateurs de leur puissance, mais qui vivent dans la proximité des objets dont ils saturent petit à petit leur univers privé. L’art définit leur cadre de vie, leur style de pensée sensible. Le commerce quotidien de leur collection leur offre une perpétuelle conversation esthétique et morale, aux antipodes de la circulation spéculative-spectaculaire des œuvres d’art et des taux de fréquentation des institutions culturelles.


La collection constituée par Claudine et Sven Widgren est à cet égard exemplaire.  Le sérieux, la patience, la générosité, la discrétion, le soin qui ont présidé à sa constitution en font un cas remarquable de collection privée, conçue pour un espace privé et pour un usage privé — passionné et réfléchi. La modestie des formats est autant conforme à l’esprit des collectionneurs qu’à la taille de leur appartement. Le patchwork que font aux murs tableaux et dessins semble emblématiser l’idée d’une communauté des artistes, d’une communauté par l’activité artistique. C’est une sorte de banquet démocratique dont les hôtes et leurs amis seraient les invités. Ce studiolo ou ce cabinet d’amateur contemporain qu’est devenu leur intérieur est à l’image de leur monde de pensée : la contiguïté des œuvres y favorise des dialogues inédits et c’est toute une rumeur chaleureuse de rencontres visuelles et intellectuelles qui bruisse doucement de pièce en pièce. « La peinture muette parle sur le mur », disait déjà Grégoire de Nysse…