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  Jean-Claude Silbermann 

exposition temporaire
Un homard dans le faux pas   

Vues partielles de l'exposition
Babil Babylone, 2006
Installation composée d'une cinquantaine d'éléments peints à l’acrylique.
coll. de l'artiste

Qui es-tu être humain ? (détail)
Installation composée de 28 éléments peints à l’acrylique sur toile, marouflés sur contreplaqué découpé.
coll. de l'artiste



Jean-Claude Silbermann, Un homard dans le faux pas

in cycle rolywholyover, premier épisode
onamatterpoetic  /  du 21 février au 6 mai 2007

La confusion des règnes

C’est la silhouette découpée d’un porteur de menu devant un restaurant qui a fourni à Jean-Claude Silbermann une solution radicale au problème qu’il rencontrait dans sa peinture : le traitement des fonds sur lesquels se détachaient ses figures. C’est que tourne dans son œuvre tout un carrousel de personnages flottant dans l’espace indéfini de l’imaginaire. La lévitation tranquille, le funambulisme somnambule qui les caractérise semble les émanciper distraitement de la fatalité du mur qui est parfois la croix des tableaux. Et le tableau n’est pas le problème de la peinture de J.-C. Silbermann. Sa peinture, à la façon des pièges à rêves des Indiens Hopi, tend des filets pour y prendre des images volatiles, celles qui affleurent aux confins de la conscience.

Le menuisier qui en cisèle les contours, le peintre qui en colorie minutieusement les formes ne quitte pas son atelier pour s’adonner à ces « chasses subtiles ». Cet explorateur ne voyage qu’autour de sa chambre. Et les fantômes en Technicolor qu’il y rencontre suffisent à sa conversation. Le commerce de ses spectres lui épargne bien des désagréments de la socialité quotidienne : à ses congénères, il semble préférer ses dissemblables. J.-C. Silbermann est un fabuliste, autrement dit un ingénieur du fabuleux.

Babil-Babylone, le premier des deux ensembles présentés au Mamco, son titre l’indique assez, navigue entre Babel et babillage. À l’heure de l’extinction accélérée des langues au profit du sub-anglais impérial, il n’est pas inutile de mettre son œuvre à l’enseigne de la pluralité babélienne du vieux monde et du babil labile du désir en gloire. C’est encore au désir, en ce qu’il a d’inextinguible, qu’est dédié l’ensemble inédit intitulé Qui es-tu être humain ? et qui met en images certaines scènes du Surmâle, le fameux « roman moderne » d’Alfred Jarry (1902). Il est également salubre de nous demander qui nous sommes dans le miroir de cette physique de l’amour, de cette mécanique du sexe toujours multipliable qu’emblématise le Surmâle, héros intempestif qui vaut bien son immédiat prédécesseur, le Surhomme nietschéen.

On verra, dans le Cabinet des velléités, que la part désirante de notre difficile humanité est aussi volontiers la proie d’un bestiaire polymorphe. Dans cette chambre des merveilles, les animaux du fabuliste s’arrogent des privautés désinvoltes : les anges ici ne songent qu’à faire la bête (les règnes sont contagieux). Le disparate, le caractère erratique de cette collection sans critère témoigne aussi bien de la diversité des affects que du goût bien assumé de ne manquer aucune traverse buissonnière. La frivolité peut être aussi le masque du refus d’obtempérer aux codes de bonne conduite. Si ses « enseignes » sont « sournoises », c’est que J.-C. Silbermann ne se soucie pas des règles de son jeu. Son théâtre est souvent bifrons (un miroir dont l’envers serait un miroir) mais c’est un arc-en-ciel qui disparaît de profil – comme ferait un homard dans le faux pas.

On ne s’étonnera pas d’apprendre que J.-C. Silbermann a participé aux activités du groupe surréaliste de 1956 à 1969. On a connu de pires fréquentations.


Jean-Claude Silbermann est né en 1935 à Boulogne-Billancourt, il vit à Sannois en France.