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  Kristin Oppenheim

exposition temporaire
Cry me a River  

 
 
 
Kristin Oppenheim, Cry me a River

in cycle cycle Des histoires sans fin, séquence automne-hiver 2014-2015
29 octobre 2014 au 18 janvier 2015


Depuis les années 1990, Kristin Oppenheim développe une œuvre chantée dans l’espace d’exposition. Ses pièces vocales sont des reprises de chansons classiques américaines, ou bien des textes originaux qui relèvent souvent d’un registre mélancolique. Dans cette quatrième séquence du cycle Des histoires sans fin, le Mamco présente une sélection d’œuvres de ses débuts utilisant chacune le même procédé : une voix à laquelle répond une autre comme un écho, une diffusion sans autre soutien visuel que des enceintes accrochées discrètement au mur.


Encore étudiante, Kristin Oppenheim présente déjà des performances associées à des objets sonores. Elle s’interroge : comment faire de l’art avec la voix ? Elle se concentre plus tard sur la sonorité de son timbre vocal lorsqu’elle prend conscience de sa dimension émotive. Ayant accès à un studio d’enregistrement, elle y conçoit de nombreuses pièces. Le chant l’a toujours attirée et il est naturellement devenu central dans son œuvre. Sa grand-mère lui rappelle comment, lorsqu’elle était enfant, elle répétait la même chanson en boucle jusqu’à ce qu’elle soit parfaite. Chanter lui permet également de raconter des histoires non linéaires.

En pénérant  dans les installations sonores de Kristin Oppenheim, le visiteur se retrouve au cœur du chant. La voix a cappella conserve l’essentiel de la chanson originale: une courte mélodie et une ou deux phrases. L’artiste fait ainsi appel à la mémoire en proposant un air déjà entendu. La pièce, diffusée en boucle, invite également à un processus d’anamnèse. Selon la durée de l’écoute, en sortant de l’exposition, le visiteur entend encore le chant qui s’est inscrit en lui grâce à la répétition. Souvent ces œuvres ont une fonction d’enquête mémorielle: lorsqu’elle la chante, K. Oppenheim porte déjà en elle la mélodie, et ce n’est que plus tard qu’elle en découvre l’origine. Pour d’autres chants, l’artiste écrit des paroles qui, selon elle, auraient pu être écrites par quelqu’un d’autre. La dimension universelle des textes lui est essentielle.

Kristin Oppenheim cherche à provoquer une sensation, une émotion auprès du visiteur. La voix s’approche de lui, éveille son attention et l’enveloppe en douceur. Il peut sentir un vertige furtif, une oscillation qui suit la ligne de la mélodie. Une seconde voix plus lointaine se superpose à la première et élargit l’espace sonore. La spatialisation et la réverbération des voix permettent de reconnaître les distances et de prendre ainsi conscience du lieu. L’écoute a littéralement lieu par la manière dont elle s’inscrit dans l’espace. Ce travail fait aussi affleurer les sensations primaires du bercement in utero par la vibration vocale, le balancement des voix, le rythme proche d’une respiration. Le corps n’est pas un simple écran où se projette une voix : c’est un organisme perméable, récepteur, qui permet de redécouvrir les propriétés tactiles du son. Pourtant, face à ce savoir vivant, une évanescence est à l’œuvre par l’absence du corps qui émet ce chant épuré dans l’espace vide. Les paroles, elles aussi, évoquent le manque et la distance de l’autre : l’artiste aperçoit quelqu’un par la fenêtre dans Through an open Window (1992), elle est délaissée dans Shiver, (1992), elle en pleure une rivière dans Cry me a River (1992), puis entonne plus séductrice : « Squeezemetight » (Serre-moi fort) dans Starry Night (1993). Dans The Spider and I (1993), une reprise de Lesley Gore particulièrement visuelle, elle chante tous les périples qu’elle ferait par amour : « I would swim the coldest oceans, I would walk in burning sands, I would crawl across the desert with my heart held in my hands » (Je nagerais dans les océans les plus froids, je marcherais sur du sable brûlant, je ramperais à travers le désert avec mon cœur porté dans mes mains). Le titre de l’œuvre fait penser que cette voix tisse son fil dans l’espace comme une toile.

Pour Kristin Oppenheim, les voix tiennent lieu de personnages qui accompagnent la visite. Chanter lui permet de jouer sur toute la gamme des sentiments. La mélodie favorise le développement de nuances vocales plus hantées, plus vulnérables ou plus enjôleuses. Enfin, le ton et les répétitions cherchent à révéler d’autres voix, enfouies en chacun des visiteurs.

Emma Dusong


Kristin Oppenheim est née en 1959 à Honolulu (Hawaï) ; elle vit à New York.